La place relative des épithètes des termes de l'annexion
Résumé
Cet article interroge la réalité d’une règle semble-t-il bien connue des arabisants, selon laquelle les épithètes (naʿt, ṣifa) se placent dans l’ordre inverse des substantifs qu’elles qualifient lorsque ceux-ci sont partie intégrante d’une annexion (ʾiḍāfa). Cette règle permet alors de se prémunir de toute ambiguïté (labs/lubs) d’incidence, la connexion de chaque épithète à chaque substantif étant réglée. Si cette règle figure bien dans une majorité de grammaires arabisantes contemporaines, force est de constater qu’elle n’est pas présente, pour les annexions pas plus que pour les épithètes, dans la tradition grammaticale arabe classique et médiévale. C’est un travail d’archéologie grammaticale qui permet d’en retrouver l’origine au sein de ladite tradition. Par analogie, ce qui rend dès lors inutile de la répéter et qui trahit un premier effet d’économie, cette règle se déduit en effet de la situation observée au sujet de la place des multiples compléments d’état (ḥāl) se rapportant à des référents eux-mêmes distincts. Des divers ordonnancements possibles et listés par cette tradition, un seul emporte la préférence : celui qui fixe cet ordre inverse. La fixation d’un ordre, à la fois pour les compléments d’état et, par analogie, pour les épithètes, permet dès lors de faire l’économie du contexte et de la pragmatique, seul l’aspect syntaxique prévalant. Or, ce second effet d’économie, qui a pour corollaire de fixer la place des éléments en jeu, a une conséquence, celle de marquer une fois de plus que la flexion désinentielle (ʾiʿrāb) est à tout le moins redondante si elle n’est pas proprement et simplement inutile.